Les cultures en réseau

Le réseau comme Art

L’art en réseau peut être vu comme une métaphore de l’art comme un réseau; un art qui crée un réseau. Afin d’être capable de catégoriser correctement les nombreuses pratiques artistiques de l’art multimédia au cours des vingt dernières années, il est fondamental de reconstruire ce concept d’art en réseau. Ce concept est souvent utilisé dans les nouveaux médias. Il est encore rarement analysé pour ses caractéristiques propres, excepté par quelques publications qui sont pour la plupart disséminées dans des cercles autonomes ou promus par des maisons d’édition spécialisées1.

L’art en réseau est une pratique artistique qui prend ses origines dans un passé plutôt lointain. Par « réseauter », on entend créer des réseaux de relations, partager des expériences et des idées. Cela signifie aussi créer des contextes dans lesquels des personnes peuvent se sentir libres de communiquer et de créer d’une façon « horizontale ». C’est-à-dire d’une façon dans laquelle l’expéditeur et le destinataire, l’artiste et le public, sont (con)fondus ; perdant ainsi leur sens initial.

L’art en réseau est basé sur la figure de l’artiste comme créateur de plateformes de partage et de contextes favorisant la connexion et l’échange. Cette figure se dissémine parmi ceux qui acceptent l’invitation et créent des occasions de mise en réseau en retour. Pour ces raisons, parler encore d’artiste ne fait plus sens ici, puisque le sujet actif devient tour à tour opérateur du réseau ou réseauteur. Peut être qu’il s’agit du genre d’art contemporain le plus difficile à définir, car il ne repose ni sur des objets physiques, ni sur des outils numériques ou analogiques, mais sur des individus entretenant des relations et construisant des processus. Individus qui peuvent créer d’autres contextes relationnels à leur tour, ou faire naître à des productions créatives, ce qui n’est pas négligeable si l’on considère plus attentivement l’idée de partage.

La logique commerciale, souvent connectée aux environnements traditionnels de l’art contemporain permet « l’échange » de ce don spontané. C’est peut-être la raison pour laquelle il existe peu de publications sur le sujet, parce que il a toujours été considéré qu’il était plus important de vivre jusqu’au bout certaines dynamiques, plutôt que d’écrire à propos d’elles. De plus, dans le milieu des expositions et dans les textes écrits, il est toujours nécessaire de réaliser un processus de sélection. Cependant, cet aspect n’existe pas dans le monde du réseau : tout le monde peut contribuer en amenant sa propre pierre à l’édifice, et une liberté totale existe.

Commençons donc au commencement. D’après ma reconstruction, les premières formes d’art comme réseau ont eu lieu au seizième siècle, et en particulier dans la période maniériste. Cette période est définie fortement par l’interconnexion entre des artistes vivant dans différents pays, allant de l’Europe du Nord à l’Italie. Albrecht Dürer, un protagoniste clé, qui parmi ses nombreux travaux a créé des xylographies et des gravures d’un intérêt extraordinaire, a grandement influencé l’iconographie de cette période. Pensons par exemple à la fameuse xylographie Melancolia de 1514. Dans la seconde moitié du quinzième siècle en Allemagne, s’était déjà répandue la technique de reproduction en série des images sur papier. Par exemple, Gutenberg imprima sa Bible Latine à 42 Lignes à Mayence, et a obtenu approximativement un tirage de 180 copies. À cette époque, le fait de créer des images « en série » était considéré comme une véritable révolution, un phénomène qui peut vraiment être comparé à l’avènement de la télévision et des ordinateurs et aux techniques de reproduction numérique inventées cinq cents ans plus tard.

Avec Albrecht Dürer nous trouvons les caractéristiques d’une forte modernité qui lui permet de disséminer ses images partout en Europe, pour donner naissance à un réseau d’échanges et de relations lui ayant apporté une présence jusqu’en Italie. Dans la première partie du seizième siècle l’activité d’Albrecht Dürer pose les fondations de la formation d’une culture Européenne unifiée. Ses gravures et xylographies étaient trouvables dans de nombreux pays, et comme c’était le cas pour Marcantonio Raimondi, elles faisaient parfois l’objet de contrefaçons. Dürer a constitué une relation remarquable avec l’Italie, puisqu’il était désireux d’entrer en contact avec la pensée de la Renaissance et avec les personnalités les plus reconnues de cette époque, telles que Giovanni Bellini et Jacopo de’ Barbari, créateur, entre autres, de la fameuse xylographie de Venise 2.

Pour revenir aux dynamiques de réseaux, l’intérêt dans la diffusion du travail de chacun de façon périodique et réticulaire se retrouve dans bien des contextes, qu’ils soient internationaux ou italiens. Le phénomène contemporain qui relie le mieux ces pratiques est le mail art. Il s’agit d’une ligne de transmission du savoir qui a conduit aux types d’expérimentations vidéos et de langages artistiques présents dans les pratiques de Fluxus. Ces pratiques s’emboîtent comme des poupées russes et sont visibles dans un large éventail d’expérimentations artistiques, tout particulièrement dans l’avant-garde des premières décades du vingtième siècle.

En effectuant un bond dans le temps, on voit que dans les années quatre-vingts, le réseau a commencé à développer une forte identité en Italie (il a commencé à se développer dans les années soixante-dix dans le contexte Européen). Il a ensuite évolué en une dimension couvrant différents médias, profitant de leurs développements respectifs au fil du temps. À cette époque, les photocopieurs étaient répandus et leur utilisation s’est pérennisée dans les milieux « alternatifs . Il suffit de penser à la production massive de punkzines et fanzines dans les Centre Sociaux, tout comme à leur production en dehors de cet environnement. Par ailleurs, l’idée de la mort de l’art à l’intérieur de l’idéologie punk vise à rendre accessible la création à tous. N’importe qui peut participer, du moment que le désir de faire est là. Le concept du « Do It Yourself » se retrouve dans le phénomène à venir du réseau ; en combinant les apports du mail art, du néoisme au plagiarisme en passant par Luther Blissett, et jusque dans les années quatre-vingt-dix, quand la dynamique de réseau s’est affirmé en masse au travers de l’utilisation des ordinateurs et d’internet.

Dans les années quatre-vingt-dix, l’idée de réseau fut développée de façon plus approfondie, adoptant des formes issues du monde de l’éthique hacker. Bien plus qu’un « happening artistique », cette idée de réseau ne permet pas de négliger le fait que la technologie devrait être considérée d’un point de vue critique comme support ouvert. Dans le domaine informatique, le terme de « hack » désigne littéralement une « bidouille ingénieuse ». Ce terme est associé aux concepts d’échange et de partage social, dont l’objectif est la circulation de l’information et l’accès à la connaissance. Le but d’une telle approche face à la technologie n’est pas la destruction, mais la création, donner vie à des processus dans lesquels l’utilisation de l’informatique est un support important, pas une fin en soi. Cette « aptitude » apparaît à la fin des années quatre-vingts, avec les progrès des BBS, système de bulletins électroniques, ces bases de données permettant d’envoyer et de diffuser de l’information d’un point à un autre par la connexion à un ordinateur et à un modem, construisant ainsi les bases des plateformes communes qui allaient marquer la future histoire de l’Internet.

L’idée du réseau comme art se retrouve également dans de nombreux travaux de net.art. Les Italiens Marco Deseriis et Giuseppe Marano définissent le net.art comme « l’art de la Connexion ». Dans leur livre, Deseriis et Marano racontent sa naissance et son évolution, décrivant une grande partie de ce phénomène qui s’est développé à un niveau international dans les années quatre-vingt-dix.3 En réalité, la plupart du courant net.art était diffusé par le biais de plateformes collectives. Les listes de diffusion telles que « Nettime » www.nettime.org en sont un exemple concret.

L’art en réseau va au-delà de l’idée des moyens de communication vus comme des conteneurs et il devrait être interprété comme une oeuvre conceptuelle dans laquelle ce qui compte est la capacité de connexion, dépassant l’idée d’un art créé par un individu. Dès lors, « l’Art est facile », comme l’a dit Guiseppe Chiari en 1972, libérant le spectateur de ses inhibitions liées au respect d’un art se posant comme « supérieur ».4

Du Ready-made à Fluxus

Notre parcours commence au temps des avant-gardes historiques. Pendant cette période, nous nous sommes dirigés vers la construction d’une société de masse qui fut la conséquence directe de l’affirmation propre de la foule urbaine comme un objet social (clairement visible lors des premières Expositions Universelles de la seconde moité du dix-neuvième siècle)5.

Dans les collages cubistes et dadaïstes, des fragments de la vie de tous les jours tels que des tickets de train, des articles de journaux, des instantanés, des objets banals tels que des bouteilles, des chapeaux, des roues de bicyclettes, des fers à repasser, sont devenus partie intégrante du monde de l’art. Dans l’oeuvre bien connue de Marcel Duchamp « Fountain », datant de 1917, un urinoir devient une oeuvre d’art simplement au travers du « geste » de l’artiste de lui donner ce statut, en le signant. La pratique du « readymade » décontextualise un objet, lui attribuant un sens nouveau et différent. Le « readymade » ouvre le champ au commencement de ces pratiques artistiques qui transforment des objets du quotidien en des oeuvres d’art, faisant voler en éclats les concepts traditionnels de l’oeuvre d’art elle-même. L’œuvre peut tout à fait être un objet commun, qui devient simplement de l’art parce que l’artiste en a décidé ainsi.

Le néo-dadaïsme aux États-Unis et le nouveau réalisme en Europe ont développé la pratique du « readymade » dans les années cinquante, pas seulement en donnant vie à des compositions d’objets du quotidien, ce qui s’inscrivait dans le contexte des collages6 de l’avant-garde historique, mais en insérant aussi des objets de récupération. Par exemple, la série des « Poubelles »7 de Arman Fernandez nous rappellent les travaux du dadaïste Kurt Schwitters, qui a composé des assemblages à partir de matériaux usagés et détériorés. Robert Roschenberg associait quand à lui la peinture gestuelle de son « Action Painting » avec des fragments du quotidien.

Le Pop art des années soixante comporte la même omniprésence du quotidien, dans lequel la standardisation de la production industrielle devient une valeur artistique en soi. L’idée de réinsérer la vie dans l’art se retrouve également chez Piero Manzoni, qui a travaillé dans le sillage de la vague pop des années soixante. En 1961, il produit une oeuvre composée d’une série de de boites de conserve numérotées de la désormais fameuse « Merde d’Artiste ». Simonetta Fadda remarqua que, dans ce cas, la figure de l’artiste comme créateur occupe de un point central.

Piero Manzoni a présenté « Merde d’Artiste » comme sa propre production. Il la légitimise comme telle. C’est une affirmation paradoxale sur le pouvoir que l’artiste possède sur la réalité, qui rend la vie inclue dans l’art (comme Marcel Duchamp l’a fait plus tôt). Ce n’est seulement plus tard, avec les pratiques du réseau sur internet, que le point de vue s’est retrouvé inversé: le but n’est plus de réinsérer de la vie dans l’art, mais de réinsérer l’art dans la vie. C’est la véritable révolution de notre temps (Fadda, 2006, conversation privée avec l’auteure).

La recherche dans le domaine de la relation « art-vie » renvoie aux performances et happenings de la fin des années cinquante. Ces « oeuvrévènements »8 qui se sont tout particulièrement affirmés dans la décade suivante, ont défini un lien en pleine ascension entre pratiques artistiques et expériences concrètes. L’oeuvre d’art était un élément matériel jusqu’à ce qu’elle ne devienne un évènement, poursuivant la voie initialement établie par Giacomo Balla et Fortunato Depero dans le « Théâtre des Objets Futuristes »9 et les soirées de spectacles dada. Avec les happenings, une forme d’art a pris forme et continue de se développer en éliminant presque complètement la composante objet. L’art devient une action en soi et le spectateur est invité à intervenir personnellement, à s’investir dans le processus. Ces pratiques artistiques jouent avec le non-prédictible: l’art veut être une découverte, une expérience, une pratique de terrain, une interaction.

Durant les « actions » de Allan Kaprow, l’inventeur du happening comme « oeuvrévènement »10, les participants agissent en suivant un script. Bien que le point de départ soit connu, l’oeuvre résulte de l’interaction entre les artistes et les spectateurs. Avec la pratique des happenings, on voit l’apparition d’une forme d’art Intermédial réunissant le théâtre, la musique, la littérature, et les modes d’expression picturaux ou sculpturaux. Par exemple, la Merce Cunningham Dance Company et le musicien John Cage, qui ont servi d’inspiration à Fluxus, fonctionnent sur le même terreau artistique. De plus, Fluxus est le noyau principal de notre discussion sur le réseautage, car il propose des hypothèses qui seront rencontrées plus tard dans la plupart des collectifs artistiques, posant les fondations de la culture du réseau telle que nous l’entendons aujourd’hui.

Fluxus a tenté d’éliminer les barrières entre le compositeur et ceux qui écoutent, entre l’artiste et ceux qui observent, en maintenant un dialogue constant composé de pratiques concrètes, minimales, éphémères et iconoclastes, dans lesquelles les composantes de surprise et d’ironie jouent un rôle clé. D’après Ken Friedman, il s’agit d’une « philosophie jetée à travers la réalité » qui a complètement révolutionné le concept d’évènement artistique. Hypothèse fondamentale, malgré le fait que la plupart des évènements Fluxus se tenaient sur scène. Dans les performances Fluxus, est maintenue en réalité une mise à distance des membres du public, qui sont plus connectés avec ses « créatures » que avec ses performances. Dans tous les cas, Fluxus reste fondamental comme outil d’interprétation des phénomènes à venir, s´étalant du mail art au néoisme jusqu’aux nombreuses expérimentations vidéo et informatiques à venir.

La naissance du mouvement Fluxus s’inscrit dans la période allant de la fin des années cinquante au début des années soixante. Fluxus a réuni des participations artistiques hétérogènes, s’étant initialement rencontrées à New York, à Manhattan, dans le quartier de Soho, pratiques faisant figurer la participation active de Marcel Duchamp. Beaucoup des étudiants de John Cage, de Allan Kaprow à Dick Higgins, Alison Knowles, Jackson McLow, Richard Maxfield, George Brecht et Al Hansen se sont rencontrés en 1958 à la New School for Social Research. Ils constituent le noyau dur du mouvement qui va alors se répandre partout en Europe grâce aux démarches de Georges Maciunas, figure clé de Fluxus.

Maciunas, le véritable réseauteur du groupe, donne naissance en 1961 à la galerie A/G en collaboration avec Almius Salcius, contribuant à la formation d’un vaste réseau composé de nombreuses personnalités actives au sein du cercle littéraire et plus largement, du milieu artistique. Parmis eux, La Monte Young, Yoko Ono, Terry Riley et Simone Forti, juste pour en citer quelques un·e·s, ont gravité entre New York et San Francisco plus tard.

Au début des années soixante, c’est grâce à Maciunas et Higgins que Fluxus s’est fait connaître en Europe, faisant se rencontrer des personnalités telles que Robert Filliou, Joseph Beuys, Nam June Paik, Wolf Vostell et des musiciens tels que l’Italien Giuseppe Chiari, qui sont fondamentaux, de par leurs contributions dans le champ de l’art contemporain.

Fluxus a été central dans l’élaboration de la notion d’intermedia, qui se retrouve dans les pratiques futures en réseau, ainsi que dans la notion d´évènement procédural collectif. Les actions appelées flux-events ou flux-concerts selon les cas, sont basés sur l’exécution d’instructions en public, ouvertement banales, simplement des gestes de la vie courante, contenus dans de courts scripts (les fluxus-event scores).

L’idée d’intermedia, une terme utilisé dans une très modeste mesure pour la première fois par le poète-philosophe Samuel Taylor Coleridge11, décrit la pratique d’assembler différents médias et types d’expression artistiques, allant du design à la poésie, de la peinture au théâtre. Un concept presque naturel pour Fluxus si l’on considère les nombreux éléments interdisciplinaires présents dans le mouvement. Dans les flux-events, les schémas d’expression traditionnels sont démolis, alors que les intervention provocantes souvent ironiques issus de micro-objets de la vie quoitidienne deviennent des points centraux, des chapeaux aux raquettes de ping-pong, équipés de symboles récurrents qui sont quasiment devenus « mystiques ». Les actions ordinaires sont décontextualisées et deviennent des concepts prenant un sens nouveau et souvent imprévisible.

La première forme de la collection des fluxus-events se retrouve dans les partitions des fluxus-concerts: les interprètes lisaient les instructions ou les propositions qui devaient être suivies: une sorte de « composition ouverte » à réaliser durant le happening. Plus tard, les évènements furent organisés de façon différente, que ce soit par les collections de cartes postales telles que Water Yam par George Brecht12 ou par les livres comme Grapefruit de Yoko Ono13, en passant par les pamphlets produits sous l’emblème du Great Bear, une collection publiée dans les années soixante par Dick Higgins pour Something Else Press, la maison d’édition qu’il a fondé en 1964 (les pamphlets de la série du Great Bear peuvent être consultés à l’adresse http://www.ubu.com/historical/gb/index.html).

George Maciunas est une autre figure emblématique qui s’est fortement appliqué à ce que Fluxus laisse des traces visibles. Il s’en est assuré en en éditant des ouvrages de manifestations et travaux individuels ou collectifs, tels que la publication de An Anthology ou Fluxus YearBook, en compilant les fluxfilms, ou en créant ce que l’on a nommé les fluxboxes: de petites boites contenant de petits objets « subversifs » et des multiples. Les fluxboxes sont des oeuvres multimédia totales, chacune différentes les unes des autres. Elles apportent une authenticité qui rend encore plus évident que le réseauteur n’est pas seulement un créateur de contextes/évènements collectifs, mais aussi un véritable artiste en réseau14.

Les Diagrammes Fluxus

De 1953 à 1973, George Maciunas créa de véritables cartes hypertextuelles au travers de schémas et de diagrammes dessinés à la main sur des pages de bloc-notes en se conformant au concept de Fluxus comme étant une « attitude alternative face à l’art, la culture et la vie »15. En 1961, c’est Maciunas lui même qui forgea le terme Fluxus: l’art comme étant supposé être un divertissement, amusant, simple, pas prétentieux pour un sou et existant afin de se focaliser sur des aspects insignifiants de la vie, ne supposant pas de larges compétences pour être saisi, et sans aucune valeur institutionnelle. Fluxus est plus interprété comme une attitude, une forme de vie, que comme un mouvement artistique. Le terme Fluxus dérive du verbe Latin fluere, et l’individu est considéré comme fluctuant, un courant dans lequel la vie quotidienne fait son entrée dans l’art. Tu ne fais pas du Fluxus, tu es Fluxus16.

Pour Maciunas, Fluxus ne se manifestait pas seulement comme une attitude conceptuelle, mais était considéré comme une pratique de vie, et une créature de l’art d’une façon totalement ouverte et libre en même temps. En opposition au très glamour Pop Art, Fluxus a été initié comme une forme d’art « abordable ». Bien informé de l’histoire de l’Union Soviétique (il a passé son enfance en Lituanie), Maciunas concrétisa ses convictions dans les valeurs démocratiques de l’art avec l’idée d’une réalisation progressive d’un Art total, en s’inspirant du courant des constructivistes Russes et des mouvements anarchistes du début des années vingt, tout en travaillant sur des concepts tels que le « slavophilisme » en opposition à « l’occidentalisme » (il contribua à la définition de ces termes). Sa biographie le relie intimement à trois pays, les USA, l’Allemagne et la Lituanie, et cela se retrouve dans ses travaux et créations au sein de Fluxus comme un véritable réseau étendu d’artistes « hypermédias ». Dans la position intellectuelle qu’il a tenue au fil des années. on peut aussi citer l’inspiration du Left Front of the Arts (LEF)17, créé en 1917. LEF est une association d’artistes socialistes qui entrait en résonance avec ses objectifs de dépasser l’art bourgeois - l’idée traditionnelle de la musique, du théâtre, de la sculpture, de la peinture et de la poésie - mettant au jour une nouvelle forme d’art « augmenté ».

Dans ses Fluxcharts (les diagrammes Fluxus), Maciunas applique la théorie de l’expansion du temps et de l’espace directement à la musique expérimentale de John Cage dans la reconstruction de périodes historiques à une échelle macroscopique. Le premier diagramme Atlas of Russian History a été débuté au printemps 1950, et a été suivi par l’Atlas of Prehistoric Chinese Art en 1958 puis par le Greek and Roman History of Art Chart, des thèmes que Maciunas explora lors de ses études à l’université. Bien que construits que sur de simples pages de bloc-notes, les diagrammes historiques de Maciunas sont résolument hypertextuels et tri-dimensionnels. Subdivisés en sections contenant des écritures manuscrites élégantes et minutieuses, insérés à l’intérieur d’axes spatio-temporels, qui en réalité devaient être lus par l’ouverture de la « fenêtre » suivante, construites avec d’autres bouts de papier collés à coté du texte de façon à creuser plus profondément, comme des sortes de pop-ups en papier.

Le premier diagramme explicitement relatif à Fluxus date de Décembre 1961 et a été montré au public lors d’une petite manifestation d’été néo-dada organisée par Maciunas à la Galerie Parnass à Wuppertal. Personne ne connaissait Fluxus à l’époque en Europe et l’évènement fut présenté comme une relecture des travaux de John Cage et une présentation de l’esthétique de l’art post-Cagien en Amérique. L’évènement était présenté d’une façon rigoureusement académique. Maciunas lui même prépara une lecture de son Neo-dada in Music, Theater, Poetry and Art traduit en Allemand et récité par l’acteur Arthus C. Caspari. Dans le texte, Fluxus n’est pas mentionné explicitement et le centre d’intérêt semble être porté sur quelque chose d’autre.

C’est dans ce contexte que se déroule l’entrée de Fluxus sur la scène artistique Européenne. En guise de surprise, Nam June Paik monta sur scène derrière Caspari et montra un des schémas de Maciunas, dessiné à grande échelle sur une planche de bristol blanc, générant des rires dans le public. Le diagramme est une republication en Allemand de Time/time projected in 2dim.space POETRY GRAPHICS/space projected in time GRAPHIC MUSIC/Time/Time projected in space MUSIC THEATRE; résumé en: Time-Space Chart18. C’est ce projet qui anticipa le concept à venir des Fluxcharts de Maciunas.

Le large panel de pratiques artistiques dans lequel Fluxus est intervenu est reconstitué dans les Fluxcharts à partir d’un flux linéaire allant de dada aux poésies sonores futuristes en passant par les collages dada de Kurt Schwitters. Les catégories de poésie, illustration, musique et théâtre sont divisées en treize sous-catégories insérées dans un espace-temps artistique nommé time-art et space-art. Les différents Fluxartistes sont répartis à l’intérieur des treize catégories en se basant sur leurs modes d’expression et certains, tels que Jackson Mac Low et Dick Higgings sont inclus dans plusieurs catégories du fait de leur propension exacerbée à être« intermédiaux ».

Maciunas était un pionnier de nos temps, créant périodiquement une Fluxnewsletter afin de pouvoir recueillir des conseils ou une orientation des membres du groupe, en ce qui concerne l’ajout du nom de certains artistes ou de diverses pratiques à ses schémas, collectant inlassablement des informations sur chacun d’entre elleux et archivant ces informations.

Un autre schéma Fluxus daté de 1966, appelé Fluxus (Its historical Development and Relationship to Avant-garde Movement), est divisé en deux parties. Dans la partie supérieure, Maciunas essaie de donner une définition de ce que sont l’art et le non-art. La partie inférieure est une schématisation de ce qu’est Fluxus et sa relation à tous les autres –ismes, en le distinguant du modernisme. D’après Maciunas, Fluxus prend ses racines depuis le théâtre Baroque et dans les spectacles « multimedia » montrés dans les jardins de Versailles, jusqu’au Readymade de Marcel Duchamp et à la musique de John Cage, les prédécesseurs directs de Fluxus. Ces derniers sont par conséquent classés dans les catégories spacio-temporelles des artistes qui appartiennent ou n’appartiennent pas à Fluxus. Dans ce schéma toutefois, tout comme dans les Expanded Art Diagrams, qui arriveront plus tard, il est intéressant de noter que Maciunas n’a pas créé une simple liste de noms, mais qu’il a divisé les gens en quatre catégories principales.

C’est peut-être là que réside le « côté obscur » de la fascinante opération d’historisation de George Maciunas, une caractéristique la rendant moins « mécanique » et plus humaine. Le talon d’Achille du réseauteur est souvent sa manie de la schématisation et du catalogage. Il s’agit également de l’aspect le plus délicat de l’Art en Réseau, intimement connecté aux personnalités et éléments empiriques de quiconque s’attelant à faire avancer les choses.

La première catégorie de schéma inclut les pré-Fluxiste Georges Brecht et Ben Vautier déjà actifs sur ce terrain avant la naissance de Fluxus. Le noyau dur du groupe apparaît plus tard sur la ligne spatio-temporelle: George Brecht et Ben Vautier, George Maciunas, Robert Watts, Philip Corner, Dick Higgins, Alison Knowles, Benjamin Patterson, Nam June Paik, Jackson Mac Low, Tomas Schmit, Emmett Williams, Henry Flynt, tous insérés dans la catégorie Fluxus.

Ensuite apparaissent les « indépendants », allant de Joseph Beuys à Ray Johnson, en passant par La Monte Young, qui ont seulement collaboré temporairement avec Fluxus. Enfin, toujours en suivant la ligne de progression du temps qui s’étend de 1959 à 1966, le groupe des « exclus » apparaît, celui des membres fondateurs de Fluxus qui, d’après Maciunas, ont décidé de s’écarter d’eux même du groupe. Ils sont reconnaissables dans le diagramme par une ligne en pointillés, dans la continuité de l’axe du temps.

Les raisons mise en avant par Maciunas pour cette liste de membres expulsés comprend les critères suivants: « attitude allant contre l’esprit collectif, excès d’individualisme, désirs de gloire personnelle, complexe de la prima donna ». De nombreux représentants internationalement reconnus de ce mouvement ont été inclus dans ce groupe d’expulsés et listés en introduction au schéma19. Des raisons secondaires, mais pas suffisantes pour justifier une « exclusion », étaient « opportunisme, transfert dans des groupes rivaux consécutifs à une proposition offrant plus de notoriété, attitude concurrentielle et création de pratiques de rivalité ». Nam June Paik a été plus tard « exclu de Fluxus » dans les schémas de Maciunas comme d’autres artistes, et cette position déclencha de profondes controverses internes. Les membres du groupe commencèrent à se demander ce que Fluxus était réellement et quelles étaient ses limites, accusant Maciunas d’appliquer les mêmes pratiques d’expulsion que Guy Debord dans l’Internationale situationiste ou comme André Breton avec la création du critère d’appartenance au surréalisme. Malgré ces accusations, dues avant tout à des différences de position idéologique, Maciunas continua son historisation méthodique et infatigable de Fluxus et de ses pratiques périphériques.

En 1966, il créa l’Expanded Art Diagram décrivant le développement de l’art jusqu’en 1966: l’année à partir de laquelle l’expérience Fluxus est généralement considéré comme prenant fin. Le diagramme se trouve sur le verso du flyer de la Fluxfest Sale dont Environ 2000 copies furent tirées. Ce diagramme suit le mêmes orientations que les précédents, incluant cependant la notion de Culture Politique, dont les origines remontent à l’année 1964, à l’intérieur de la ligne du temps qui va des iconoclastes Byzantins aux actions des gardes rouges Chinois, soulignant clairement le point de vue de Maciunas sur sa perception de l’art comme anti-Bourgeois et populaire (une position qui le rapproche dans le diagramme de Henry Flynt). Ce point de vue deviendra de plus en plus prédominant dans les dernières années de son oeuvre.

Néanmoins, l’oeuvre la plus achevée de Maciunas fut le Diagram of Historical Development of Fluxus and other 4 Dimensional, Aural, Optic, Olfactory, Epithelial and Tactile Art Forms (1973), qui mesurait un mètre par trois. Il comprenait toutes les activités de Fluxus s’étalant de 1948 à 1971, ajoutant même des activités posthumes. Les diagrammes Fluxus attirèrent l’attention jusqu’en Italie et Maciunas se remit au travail pour la publication du Diagram of Historical Development of Fluxus de 197320. Le diagramme ne fut finalement publié par la maison d’édition Kalejdoskop que en 1979, un an après sa mort, et à une échelle réduite.

Le réseau du mail art

Le mail art est un réseau de relations construites autour du circuit postal, et s’exerce en principe par l’envoi et la réception de de lettres, de cartes ou de toutes autres choses, tout autour du monde, établissant des liens virtuels entre de nombreux individus, simplement réunis par l’intérêt de la communication. Le mail art, tout particulièrement parce qu’il est resté en dehors des circuits commerciaux artistiques, a toujours été considéré comme « la Cendrillon de l’art », mais ce fut finalement une chance car jamais personne ne l’a historicisé et cela a permis la préservation de son caractère d’originalité et de nouveauté qui le rendent unique et toujours d’actualité aujourd’hui.

Le mail art est une forme d’art ouvert à tous. Les travaux des artistes et participants à ses divers projets ont toujours été montrés sans discrimination liée à une sélection en amont. Il y a un jeu de mot amusant en italien: « mail art = mai l’art »21. Cela montre comment de nombreux mail-non-artists ont délibérément souhaités être tenus à l’écart de la collecte institutionnelle et des musées, tels que celleux qui compilent des fragments de mail art dans des archives sans fin en dehors de toute passion pour le sujet.

Bien que reconnu par peu de personnes, ou plutôt par le peu qui ont directement expérimenté avec le mail art, cette forme d’art est la véritable source d’inspiration des « pratiques en réseau ».

Ce n’est pas pour rien que le terme, créé par l’artiste-sociologue français Robert Filliou22, qui la définit le mieux est Eternal Network23. Un réseau éternel qui, débutant dans les années cinquante, a concerné des centaines de personnes et fut constitué d’enveloppes, de tampons en caoutchouc et de toute une foule d’objets auto-produits, ou de bouts de papier transformés en créations envoyées par la poste. Cela impliqua des individus reliés par l’appartenance à un réseau informel, ne s’y rattachant que par leurs connaissances internes, du temps où un réseau consistait en un échange d’adresses et de correspondances en one-to-one ou en one-to-many.

Le mail art, un processus artistique qui réunit les dimensions publiques et privées d’une façon harmonieuse, prit forme en un réseau de petites oeuvres envoyées à quiconque entrait dans le circuit postal collectif et en même temps, donnait vie à des relations amicales bi-directionnelles, vécues dans l’intimité de la boîte à lettres.

La plupart du temps, un processus de travail de mail art émerge quand les réseauteurs de service proposent des projets thématiques et envoient des sortes de « calls »24 aux autres personnes du réseau. Ceux qui le souhaitent peuvent accepter l’invitation et envoyer à leur tour leurs oeuvres de mail art à l’adresse spécifiée. Une collection collective, qui reste aux côtés de l’opérateur, est produite à partir de l’appel à projets initial, alors que les participants sont récompensés par celui-ci à l’aide d’une petite publication lors de la fin du projet, ou par d’autres formes d’éditions indépendantes compilant les travaux récoltés.

Pour une brève reconstitution historique, la naissance du mail art est habituellement placée au début des années soixante, mais possède en réalité des origines bien ancrées dans les années cinquante. Vittore Baroni, avec Piermario Ciani25, jouèrent un rôle central dans la diffusion et le développement du mail art en Italie, en prenant en compte que il n’y a en réalité pas de vrai point de départ en ce qui concerne le mail art, si on considère les possibilités infinies que le médium postal peut offrir, et la facilité avec laquelle des réseaux peuvent être constitués simplement en utilisant des enveloppes et des timbres26.

De façon plus commune, l’origine du mail art est reliée à la figure de Ray Johnson (1927-1995) et à sa New York Correspondence School. Le nom NYCS rappelle les nombreuses écoles d’art qui ont fleuri à cette période sur la côte est. Ray Johnson nous a laissé de nombreux travaux de mail art: des collections entières de cartes postales, de tampons, des cartons d’invitation à des évènements qui n’existèrent jamais, des croquis et de petits dessins, parmi lesquels l’image du mignon petit lapin avec un nez long et sinueux, qui est devenu un symbole aujourd’hui. Johnson est décédé en 1995. Il plongea depuis un pont de New York dans l’eau gelée, habillé sur son trente-et-un, un acte considéré par de nombreuses personnes comme sa dernière performance. Il créa une activité de mise en réseau fondamentale, qui n’a bien sur pas été très reconnue par les critiques officielles quand il était en vie, excepté lors d´évènements isolés tels que le New York Correspondence School Show, curatorié par Marcia Tucker au Whitney Museum de New York en 1970.

Après sa mort, une rétrospective majeure sera organisée au Whitney Museum en 1999, indiquant d’une certaine manière la fin d’une aventure, qui néanmoins n’a ni début, ni fin, précisément grâce à sa façon d’être ouverte et éternelle. Ray Johnson était et restera, une figure très importante du mail art et sa notoriété parmi les membres du réseau le place parmi les principaux défenseurs de l’art en réseau27.

Vittore Baroni cite le futurisme, en soulignant la connexion entre le mail art et d’autres mouvements artistiques possédant des caractéristiques créatives communes telles que Giacomo Balla et Francesco Cangiullo et le dadaïsme, avec les collages de Marcel Duchamp et Kurt Schwitters. Dans le texte « The Early Days of Mail Art »28 de l’anthologie Eternal Network, l’artiste Ken Friedman se rappelle du fameux Timbre Bleu de Yves Klein, qui a circulé par courrier au milieu des années cinquante, déclenchant l’effervescence dans la bureaucratie de l’époque. Il est certain cependant que la région dans laquelle le mail art a été la plus influente fut Fluxus, dans lequel les membres opéraient par contact postal rapproché. La newsletter de Dick Higgins, connue pour la dissémination des activité de la maison d’édition de George Maciunas Something Else Press, a amené à la création des Fluxus diagrams. Même Ben Vautier, Robert Watts et Miecko Shiomi furent les partisans d’intéressantes expérimentations avec les timbres postaux, des tampons et des cartes postales d’artistes.

En réalité, le champs d’expérimentation du mail art ne s’étend pas seulement à l’envoi de « créations » postales, mais aussi à la confection de timbres, de tampons, d’autocollants et autres productions auto-produites. Le principal canal de diffusion italien pour ces pratiques fut le magazine de mail art Arte Postale, édité par Vitorre Baroni, avec des contributions de centaines de personnes allant de Ray Johnson à des enfants, présentant des projets musicaux, des textes, des catalogues, des cartes postales, des tampons postaux, des timbres, et de la poésie postale. Le premier numéro, datant d’octobre 1979, initie un parcours d’une vingtaine d’années d’une publication périodique, plus tard suivie par le bulletin Real Correspondence, diffusé par e-mail. Chaque numéro de Arte Postale est différent des autres et possède un thème spécifique, allant parfois de pair avec un projet d’exposition.

Pendant l’été 2000, le Museo d’arte moderna of Bassano del Grappa présenta Sentieri Interrotti. Crisi della rappresentazione e iconoclastia nelle arti dagli anni ‘50 alla fine del secolo29, avec une section sur le mail art curatoriée par Vittore Baroni. L’exposition présentait des travaux et productions de mouvements tels que cobra, le lettrisme, Gutai, les actionnistes viennois, Fluxus, la poésie visuelle, etc. Dans la section dédiée à l’art postal, Vittore Baroni montra quelques projets collectifs créés entre les années soixante et quatre-vingt-dix ainsi que quelques publications représentatives de ce domaine, et un échantillon de travaux individuels sous la forme d’un parcours chronologique allant des oeuvres de Ray Johnson au mail art en transitant par internet. Un projet collectif intitulé « Il tavolo del piccolo iconoclasta »30 fut conçu pour l’occasion. C’était une longue table blanche positionnée au centre de l’espace d’exposition dédiée au mail art, avec une série de différents tampons et tampons encreurs colorés disposés sur la table et une pile de feuilles de papier possédant des motifs de cibles en cercles concentriques imprimées avec différents symboles (visages de politiciens, bustes religieux, célébrités de télévision, artistes célèbres, oeuvres d’art, logos de multinationales, etc.). Les visiteurs étaient encouragés à utiliser les tampons en caoutchouc comme des « armes de fortune » dans un acte iconoclaste d’annulation des « images cibles » quand ils le jugeaient approprié, conservant l’oeuvre créée comme une trace de l’exposition. Ceci, de façon à montrer l’aspect collaboratif et participatif de l’art postal, une pratique compréhensible et vérifiable: ouverte-à-tous31.

Un aspect important émergeant de cette réflexion est précisément l’idée du don, de faire de l’art et de le distribuer librement. C’est la capacité à créer des réseaux horizontaux non basés sur le profit, mais plutôt sur la notion de création de relations spontanées, par conséquent centrales au mail art. C’est même la raison pour laquelle le mail art est toujours vivant aujourd’hui, parce qu’il est basé sur des mécanismes relationnels faisant partie de notre vie et émotions de tous les jours, qui s’étendent bien au delà de la mode du moment.32

Dans « Real Correspondance 6 » (Vittore Baroni, 1981)33, ce processus est mis en lumière, alors qu’il passe d’une communication linéaire, inhérente aux circuits de l art traditionnels, à celle de l art réticulaire du mail art et des autres arts en réseau successifs. Il est intéressant de noter comment la figure de network operator34 est insérée au milieu du circuit et comme elle interagit au même niveau que le public, qui devient créateur au travers de l’utilisation de divers médias de masse.

L’oeuvre montre l’opérateur en réseau comme une figure qui colle bien avec la future figure de l’artiste en réseau35 via l’outil informatique, avec la re-combinaison des différents médias pour la création d’une plateforme d’interaction et d’actions procédurales communes. Ce n’est pas par accident que l’idée de network congres, les premières rencontre dédiées à ceux qui travaillent en réseaux en Italie, qu’ils s’agisse de réseaux postaux ou informatiques, comme véhicules de communication ouverte (la première a eu lieu en 1992, dans l’espace Mu de Vittorio Veneto), est issue du circuit du mail art.

Également en Italie, une autre figure du panorama du mail art et de l’art en réseau est Guglielmo Achille Cavellini (1914-1990), aussi connu sous le pseudo de CAG, une figure centrale dans l’histoire du mail art, qui a toujours joué avec les codes du système artistique, créant une auto-historicisation ironique, et en même temps, ambitieuse. C’est une figure notable pour notre recherche car il constitue un pont entre les dynamiques artistiques insérées dans le système commercial et l’art en réseau comme processus dans lequel le réseau de relations et le partage jouent un rôle fondamental. Guglielmo Achille Cavellini a été cité dans de nombreux travaux de Vittore Baroni, qui le définit comme « une figure centrale de l’aventure entière du mail art » (Baroni, 1997). Cavellini réintègre le culte de l’ego et du génie individuel dans les dynamiques en réseau, habituellement opposées à toute tentative d’auto-célébration en faveur des dynamiques collectives et communautaires. L’effet est simultanément, ironique, paradoxal et critique.

Déjà un des collectionneurs d’art moderne Italien les plus réputés et amis des principaux talents de sa génération, il a cultivé régulièrement au fur et à mesure des années, une activité picturale fervente, mais c’est seulement en 1971 que, se sentant injustement ignoré par les critiques, il décida de sortir de l’ombre par lui même, en faisant de sa propre personne un objet artistique, une série de fantastiques stratégies promotionnelles (Baroni, 1997, p194).

Une activité ardente de productions va suivre cette période: des catalogues d’exposition cavelliniennes qui n’eurent jamais lieu, des timbres à son effigie, des autocollants et journaux autobiographiques, des cartes postales promotionnelles, des autoportraits où il figure avec des artistes reconnus. Des « Expositions à Domicile » qui rappellent celles de l’Avant-garde, envoyées par courrier à des amis et connaissances du monde de l’art et par la suite, à tout les membres du circuit du mail art, que Cavellini découvrit et transforma en un véritable vecteur de sa propre auto-historicization, se préoccupant de répondre à tout·e·s celleux qui lui écrivaient.

Sa capacité aux interprétations ironiques ou créatives des mécanismes du business artistique firent de lui un des premiers culture jammers de notre époque. De façon encore plus intéressante, parce que son refus du système de l’art ne l’a pas forcé à s’en distancier, mais l’a amené à manipuler son propre langage et stratégies à la première personne, travaillant à la promotion de son propre ego sans se rendre anonyme, anticipant ainsi les nombreuses techniques de marketing créatif et la guérilla des médias actuels.

Identités multiples, néoisme et Luther Blisset

Fondée en 1979 par « Monty Cantsin », l’identité multiple basée à Montréal au Canada et à Baltimore aux États-Unis, le néoisme fut rapidement diffusé partout en Amérique, en Europe et en Australie, impliquant des dizaines de personnes. Jusqu’aux années quatre-vingt, le réseau du mail art fut utilisé comme un canal de propagande pour le néoisme, prenant corps dans le Neoism Apartment Festival36, en Amérique du Nord en Europe et en Australie entre 1980 et 1988 à travers différentes publications. Parmi elles le magazine Smile devrait être retenu, nom sous lequel il commença à être distribué en 1984, donnant naissance à un réseau de personnes qui ont produit et diffusé leur propre magazine auto-produit, contaminant leur magazine avec ceux des autres et suivant ainsi une sort de chemin processionnel. D’après le tENTATIVELY, a cONVENIENCE néoiste, « le néoisme est un préfixe international, plus qu’un suffixe, avec rien entre les deux. Le néoisme n’existe pas, et c’est une pure invention de ses ennemis, les anti-néoistes »37.

Le néoisme trouve son expression au travers de pratiques artistiques et d’expérimentations dans les médias. Il embrasse une philosophie qui présupose l’utilisation d’identités multiples, l’accumulation de pseudonymes, la discussion autour de concepts tels que l’identité et l’originalité, et la réalisation de canulars38, de paradoxes, de plagiats et de contrefaçons, éléments qui reviendront plus tard dans des mouvements collectifs tels que le Luther Blisset Project (LBP) et dans les actions de net.artistes, dont les Italiens de 0100101110101101.org.

Le néoisme est connu avant tout au travers des textes de Stewart Home, qui furent fondamentaux pour sa diffusion, mais aussi, d’après d’autres néoistes plutôt enclins à ne pas définir et historiciser le mouvement et à ne pas créer de formes d’appartenances, assez relatifs à l’expérience personnelle de Home. Dans la définition donnée sur Wikipédia, l’encyclopédie libre, le néoisme est considéré comme une sous-culture internationale s’unissant et combattant au moyen de l’art expérimental39 (les courants tels que dada, le surréalisme, Fluxus et l’art conceptuel), ainsi qu’avec la culture punk, la musique industrielle, l’electro-pop, les mouvements religieux et les politiciens libertaires et athées, la science-fiction et le paranormal, le graffiti et les performances de rue, le mail art, les cultures gays et lesbiennes, et la première Church of the SubGenius40.

Une intéressante et surprenante description du néoisme peut être trouvée dans le Manuel Ultime du Néoisme41 sur le site www.neoism.net. Le site fut le résultat d’une expérimentation menée avec la technologie du wiki, permettant aux pages d’être éditées librement et de créer de nouveaux liens et définitions en fonction des souhaits de chacun, en concordance avec l’idée néoiste du collectif et de la contamination. Bien que l’expérimentation du wiki n’ait pas débouché sur les résultats escomptés, le site présentait toujours du contenu nouveau, donnant l’impression d’être un projet véritablement en perpétuel changement, capable de muter tout autant que la personnalité de Monty Cantsin le permet.

Les symboles-icones du néoisme sont le fer à vapeur de feu, le sèche-linge antenne créant un flux télépathique entre les gens, des coupes de cheveux improvisées pendant des performances, la croix rouge, un type particulier de nourriture épicée comme le chili et aussi le chapatti. Monty Cantsin était non seulement une identité multiple, mais aussi un mode de vie bien réel pour les nombreuses personnes qui choisirent d’embrasser le mode de vie néoiste, en ouvrant des boutiques de vidéo expérimentale, en organisant des performances, en publiant des (maga)zines, donnant vie à des projets indépendants.

Le détail qui fait du néoisme un art en réseau devient évident dans la description de l’Apartment Festival42 tel qu’on le retrouve dans la micro-édition What is an uh, uh, Apartment Festival43 datant de 1981, nommé The Apt Project, The Practice of a Common Cause44.

Les APT Festivals sont des évènements durant généralement une semaine, avec des activités diverses telles que des conférences et performances, mais la raison d’être de ces rassemblements amicaux, entraînements, ou manoeuvres d’appartement est de créer une situation de rencontre interpersonnelles agréables et simples entre les différents collaborat·eu·rice·s intéressé·e·s. Les APT fests ne sont NI des festivals de performance NI des festivals d’installations . Les APT fests sont les fêtes mobiles45 du réseau néoiste.

Ce sont les néoistes qui ont évoqué en 1981 le terme de Toile-réseau46, donnant naissance à un discours sur le réseautage libertaire systématisé basé sur le principe du Centre de Recherche Néoiste (CRN)47. Le Centre de Recherche Néoiste est apparu à Montréal, comme une séquelle de la conspiration culturelle Néoiste. L’idée était de promouvoir la recherche collaborative entre différentes recrues à un niveau national et international, avec comme objectif de partager et de diffuser des idées innovantes et de développer de nouvelles formes de communication48.

Nous parlons ici de Situations Ouvertes, dans lesquelles les personnes qui catalysent leur propres énergies, donnent vie à des séries de collaborations entre les différents membres du réseau. Le Centre de Recherche Néoiste mît en place l’APT Festival Project en 1979, initiant une série d’évènements d’appartement à Montréal, Baltimore et Toronto.

Afin de coordonner les évènements collectifs et les différents projets, les néoistes utilisèrent le Mail art comme principal vecteur de communication, inventant une stratégie en toile d’araignée, conçue dans la dimension de leur toile-réseau. Parmi les nombreux exemples de Mail art créé dans le circuit néoiste, nous avons le DATA project49 de Pete Horobin et évidemment les activités de Vittore Baroni, qui était en contact direct avec le réseau néoiste.

Les pratiques du plagiat des années quatre-vingts dont le néoisme était une des plus grandes forces directrices, ont convergé lors du Plagiarism Festival. Le premier Festival du Plagiat a eu lieu à Londres en 1988 organisé par Steward Home et Graham Hardwood. Steward Home l’organisa, une fois seulement après avoir pris ses distances avec le néoisme. D’un côté, s’ouvrant à un spectre de participants plus étendu (des mail artists aux différents personnages actifs dans les cercles underground), et de l’autre côté, en se limitant aux pratiques alors théorisées. John Berndt s’exprime en termes critiques à propos du Festival du Plagiat:

[les Festivals du Plagiat] ont émergé comme une émanation des Neoist Apartment Festivals , évènements qui étaient eux même des produits d’un plagiat des Fluxusfestivals s’étant tenus quelques annés auparavant. Quoi qu’il en soit, [les Festivals du Plagiat] embrassèrent un champs d’activité plus large et pas pas un thème unique (tel que l’originalité de la propriété intellectuelle artistique *, qui était la thématique du premier festival à Londres en 1988)50.

Le dernier Festival du plagiat s’est tenu à Glasgow pendant la semaine du quatre au onze août 1989, et fut organisé par Stewart Home et Billy Clark, un des membres fondateurs de la galerie underground Transmission - désormais bien connue. Les participants étaient Lloyd Dunn (des TapeBeatles), Matthew Fuller, Klaus Maeck et Walter Hartmann (auteur du Decoder Hanbuch, 1984, qui accompagnait le film allemand Decoder, écrit et produit par Maeck51), Tom Vague, Jamie Reid, Florian Cramer et les Italiens Raf Valvola et Gomma du magazine Decoder/Shake Edizioni (qui tire son nom du film de Klaus Maek).

Ce dernier décrit l’évènement dans le cinquième numéro du magazine Decoder (1990):

La manifestation était organisée selon une conception radicale, une théorie de base de l’artiste et de l’art en général. L’hypothèse de base est que l’artiste ne devait pas être vu comme un génie unique. Il s’agit d’une vision d’origine romantique qui est inappropriée à témoigner de la situation actuelle. En opposition à cette idée et vision bourgeoise de l’art, la proposition officielle controversée consistait à interpréter selon la pratique du plagiarisme, par le clonage et le détournement du sens, comme seule alternative possible. C’était en réalité la pratique d’une centaine d’artistes tout autour du monde, qui signaient leur travail avec un seul et même nom (Karen Eliot). Adhérant à cette analyse que le projet proclama durant le festival, consistant à mettre en oeuvre et à propager une grève de l’art , une manifestation regroupant depuis 1993 n’importe quelle forme de pratique artistique et d’objectification de façon générale52.

Le terme « plagiarisme » était une re-élaboration opérée par Stewart Home du concept situationiste de « détournement ». Guy Debord avait inventé le terme détournement dans les pages de l’Internationale situationiste, en effectuant une hybridation du concept de plagiat de Lautréamont et de « l’effet de distanciation » (« Verfremdungseffekt ») de Brecht (cf Cramer, 2006). Par détournement, on entend l’acte de subvertir des formes de communication courantes – allant d’affiches publicitaires à des extraits de films – s’en appropriant les signes linguistiques pour créer une « réécriture sémiotique », en les isolant et les insérant dans un contexte différent, démasquant la fiction de la communication pour observer la réalité avec un oeil nouveau. Les pratiques situationistes puisent leur sources dans le lettrisme, dans le Groupe Cobra et dans le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste (MIBI).

La critique radicale de l’art théorisé est le point central de l’Internationale situationiste (1957-1972), avec la contestation des valeurs traditionnelles bourgeoises, la subversion et le boulversement des valeurs culturelles traditionnelles, de son train de vie quotidien médiocre, la transformation de l’architecture en anti-architecture, le potentiel révolutionaire du temps libre, la mise en place de « situations » définies comme des « moments de vie, concrètement et délibérément construits par l’organisation collective d’une ambiance unitaire et d’un jeu d’évènements »53. Une de ces pratiques est la « psycho-géographie », une exploration sensible des territoires par le moyen de la « dérive »54. L’idée de psycho-géographie et de dérive est directement tirée de la proposition d’« architecture infinitésimale » de Isidore Isou, qui proposa de substituer les éléments de construction spatiale par ceux correspondant au ressenti et à la volonté de ceux vivant sur place.

La psycho-géographie possède la fonction d’un exercice quotidien spontané et ludique avec la dérive , une promenade libre sans itinéraire prédéfini (rappelant la flânerie surréaliste), réalisée dans une nouvelle dimension humaine, fondée sur la libération des désirs et sur l’exploration de la subjectivité, par opposition avec le conditionnement des besoins consuméristes.55

Les situationistes sont généralement cités comme source d’influence philosophique de différentes pratiques radicales ultérieures: il est cependant nécessaire de préciser que c’est un point de vue qui a été nuancé au fur et à mesure des années, avec une suppression de l’empreinte dogmatico-théorique qui a caractérisé une partie de l’histoire de l’Internationale situationiste, pour faire place à divers concepts libertaires et à de multiples formes d’action.

Au coeur de cette discussion, une autre pratique collective de singularité multiple s’associe naturellement à l’identité multiple56 de Luther Blissett. Un fil de transmission relie ensemble les trois identités de Monty Cantsin, Karen Eliot et Luther Blisset, bien que certaines différences existent57. Monty Cantsin a été créé comme une open pop star et une identité multiple réelle et vivante. Le nom avait été proposé à Istvan Kantor et Maris Kundzins par David Zack, mais seul Istvan Kantor l’a concrètement adopté dans son parcours artistique et performatif. Parce qu’il était possible de l’associer avec des personnes en chair et en os, en risquant souvent d’être identifié à Istvan Kantor, le nom fut utilisé comme une identité collective seulement pendant la première époque du néoisme.

De nombreux néoistes sont en réalité connus sous d’autres pseudonymes tels que tENTATIVELY a cONVENIENCE, Kiki Bonbon, Reinhardt U. Sevol, etc. Le nom Karen Eliot fut suggéré par Stewart Home comme un nom multiple et anonyme, dans le but d’être utilisé comme une signature collective pour des oeuvres d’art ou des écrits, et ceci afin d’aller contre l’idée de l’individualité d’auteur. Il n’a pas été créé dans le but d’être associé avec des personnes physiques, même si au fil du temps il fut toujours lié à Stewart Home. Luther Blissett est né comme un fantôme des médias, une figure mythologique à laquelle une tradition encore plus mythique attacha les noms légendaires de Harry Kipper et Coleman Healy. Une figure mystérieuse, une identité assez différente d’un pseudonyme, qui n’avait pas été crée pour être divulguée au public, un peu comme Kaiser Soze dans le film The Usual Suspect58. Luther Blissett n’est pas n’importe qui, et en même temps, n’importe qui peut être Luther Blissett. Il est né comme un mythe urbain, avec pour objectif de saboter les centres de contrôle du pouvoir au travers d’activités de déstabilisation culturelle, s’introduisant dans les infrastructures médiatiques comme un vers dans la pomme, rongeant tout ce qu’il pouvait de l’intérieur, en laissant uniquement la peau intacte. Luther Blissett est né de l’action conjointe de personnalités actives issues de mondes différents, venant du Mail art ou du néoisme en allant jusqu’à des pratiques radicales externes, suivant le sillage des identités multiples de Monty Cantsin et Karen Elliot, mais se distanciant de l’environnement artistique afin de potentiellement s’ouvrir à tous. Çà n’a pas de sens, à mon avis, de lister par écrit les noms des personnes qui ont eu l’idée de lancer ce projet étant donné que, entre autres, la signification du Luther Blissett Project (LBP) était d’aller au delà de l’attitude d’appartenance individualiste.

Le nom Luther Blissett est un dérivé du nom de l’ancien footballeur Jamaïcain qui joua en tant qu’avant-centre dans les équipes de Watford et de Milan. Parmi les différentes sources d’inspiration pour ce nom on retrouve un projet en réseau d’un mail artiste Anglais qui avait diffusé des compositions et des collages d’un joueur de football, dont Luther Blissett. Une heureuse union sonore entre looter59 et bliss60. Quand on lui demande: « Qu’est-il nécessaire de faire pour devenir un sharer61 ? », Luther Blissett, répond:

Il ne suffit que de renoncer à sa propre identité, avec tous les avantages que cela comporte. Plonger dans la vague des émotions de colère et de joie que tu sens passer autour de toi, re-élaborer ta signature sans laisser d’empreinte. Car ceux qui sont comme toi ne savent que faire avec une oeuvre signée: c’est une chose finie, dont tu as toi-même décrété l’achèvement, et à laquelle personne ne pourra rien ajouter de nouveau. La non-identité des sharers va main dans la main avec l’incomplétude (Blissett, 1996, p. 19).

Initialement apparu en 1994, le Luther Blisset Project s’est propagé de l’Italie au Royaume Uni, aux États Unis, en Hollande, en Allemagne, en Autriche, en Finlande et en Hongrie. Comme un véritable virus, le LBP débarqua pour déclencher une série de canulars médiatiques aux profonds impacts, conjointement à des happenings, des spectacles et des performances dans le métro, des articles dans des publications, des actions de dépassement de l’art en faveur de la vie quotidienne, devenant un des projets les plus actifs de cette période.

En Italie, le LBP atteint son pic de diffusion entre 1994 et 1999, donnant vie à diverses expérimentations créatives et canulars médiatiques entre Bologne et Rome. Les composantes libertaires du LBP, unies dans la volonté de créer un réseau de nombreux multi-vidus et en subvertissant les catégories rigides (incluant « la politique », « le spectacle », « la communication médiatique ») a trouvé un terrain fertile dans notre pays62, dans lequel les individus ont tendance à s’exprimer au travers d’images et d’identités individuelles fixes telles que le travail, la famille, la maison, la politique, etc.

Parmi ces divers canulars, il y a celui où Luther Blissett prend part à l’émission Chi l’ha visto?63 dans laquelle des enquêteurs sont à la recherche d’un artiste fictif nommé Harry Kipper. Luther Blisset dit que l’artiste a disparu à la frontière Italo-Yougoslave lors d’un voyage à travers l’Europe en VTT, pendant lequel l’artiste avait l’intention de tracer le mot art sur la carte du continent. À partir de cette situation, un jeu paradoxal commence, dans lequel les membres de l’équipe de télévision poursuivent les (fausses) traces de la personne disparue et, juste avant que l’émission ne soit diffusée, découvrent que l’identité de celui qu’ils recherchaient étaient celle d’un fantôme.

Un autre canular fameux est la création du faux livre annoncé par l’éditeur Mondadori, appelé « net.gener@tion, manifesto delle nuove libertà »64, signé par Luther Blisset et publié par l’éditeur Milanais en 1996. Tout parut normal dans un premier temps, mais en fouillant un peu plus, il fut découvert que le contenu du livre était fabriqué de toutes pièces, à l’aide de fausses adresses internet. Le livre fut bien sur retiré du marché très rapidement, aussi vite qu’il suffit à l’éditeur pour se rendre compte du canular (après que le livre ait été mis en circulation tout de même…).

Une action qui est restée historique pour celles et ceux qui faisaient partie de ce cercle à cette époque fut le happening psycho-géographique Neoist Bus qui eut lieu en 1995 dans le bus de nuit nº30 à Rome. Durant ce happening, le bus était détourné pour répandre une fête néoiste au travers des rues de la ville, subvertissant la monotonie d’un moyen de transport public. Les personnes investies disposaient d’un flux en live par téléphone depuis la radio Città Futura65, sur laquelle l’émission Radio Blissett était diffusée, afin de créer une action hypermédiatique qui connecterait les voitures, les bus, les téléphones publics ou privés, les radios et les ordinateurs.

Le bus, corps mobile de la métropole, voyageait au travers des rues de Rome rempli de passagers inhabituels, portant tous le même nom: Luther Blisset. L’ironie de la situation ne fut évidemment pas comprise par la police, qui intervient avec l’empressement requis pour ce genre d’occasion, tirant en l’air en mode shérif avec leurs armes, incarnant le plus pur style de film de western, et incarcérant dix-huit « des occupants du bus » qui refusaient de montrer leurs papiers et revendiquaient tous s’appeler Luther Blisset! Cet évènement devint un véritable mythe pour l’underground italien, le transformant en une légende soutenue par divers « croyants », qui, ne s’inquiètent souvent pas trop de vérifier précautionneusement de tels faits. Dans de nombreux articles et publications sur le sujet, on lit que l’épisode eut lieu dans un train, et culminant dans une affaire au tribunal au mois de mars de l’année suivante, avec des charges d’insurrection, de refus d’obtempérer et d’insultes à agents dans lesquels pour tous les accusés assignés à comparaître, on pouvait lire: « Blisset Luther né le XX.XX.19XX à XXXX, résidant rue de XXXX »66.

En réalité, sur le site de la Fondation WuMing, il est souligné que cet épisode eut lieu dans le bus de nuit. Tel que publié sur le site:

Ce n’était pas un train, c’était un bus de nuit. Ça s’est déroulé le 17 juin 1995. Quelques dizaines de ravers occupèrent et détournèrent un bus de nuit. Une rave party prit place dans le véhicule jusqu’à ce que la police décide de bloquer la rue et d’y mettre un terme. Lorsque les ravers sortirent du bus, les policiers les attaquèrent, un d’entre eux tirant même trois coups de feu en l’air. Un journaliste d’une radio indépendante (Radio Cittaà Futura) était également dans le bus, couvrant l’évènement en direct par téléphone pour une émission lorsque les détonations furent entendues par des milliers d’auditeurs. Dix huit personnes furent arrêtées. Certaines dirent qu’elles étaient « Luther Blissett », mais aucune cependant ne revendiqua celà au poste de police plus tard. Les média couvrirent l’évènement de façon extensive, ce qui démontra à quel point le nom « Luther Blissett »* pénétrait les sous-cultures de la jeunesse. Nous n’avons aucune idée de comment cette histoire s’est transformée en fable à propos de quatre-personnes-dans-un-train. Des années plus tard, cela refait toujours surface par ci et par là. On a trouvé çà marrant un moment, maintenant c’est juste, comment dire… Flippant.*67

Le canular le plus complexe prit place à Lazio en 1997 lors de la diffusion d’actualités à propos de la zone de Viterbo, où eurent lieu des messes noires et des rituels sataniques, documentés par des traces physiques, textuelles et audiovisuelles laissées par les supposés adeptes du démon. Le canular dura un an, générant une totale « paranoïa de masse » (Wu Ming, 2006), à tel point que l’émission de télévision Studio Aperto de la première chaîne italienne consacra un épisode à l’évènement. Comme toujours, Luther Blissett révèle l’arrière des coulisses de l’affaire, démontrant comment la soi-disant légende urbaine est née en révélant les mécanismes par lesquels les actualités sensationnalistes sont diffusées au travers des circuits d’information68.

L’histoire et la documentation du Luther Blissett Project (LBP) peut être consultée sur le site internet www.lutherblissett.net, site décrivant les activités de Luther Blissett et les coupures de presse des affaires les plus célèbres. Les vétérans du Luther Blissett Project proclamèrent leur suicide rituel en décembre 1999, un seppuku collectif mettant terme à cinq ans d’expérimentations, et donnant naissance à d’autres projets69. Parmi ceux-ci, les plus connus sont le collectif Wu Ming et le duo 0100101110101101.org. En dépit du seppuku, le pseudonyme Luther Blissett restera en vie via diverses expériences internationales.

Durant l’intervalle de temps 1996-1998, quatre membres du LBP de Bologne rédigèrent le roman Q, sous le nom de Luther Blissett. Il fut publié par Einaudi en 1999 en licence Copyleft et des traductions furent distribuées dans bien d’autres pays. En même temps, les quatre écrivains du roman révélèrent leurs noms rééls au cours d’une interview avec le quotidien La Republica, revendiquant de représenter moins de 0,04% du Luther Blissett Project. En janvier 2000, après l’arrivée d’une personne supplémentaire dans le collectif d’écriture Blissettien, l’expérience Wu Ming débutta. Wu Ming signifie anonyme en Chinois Mandarin, comme indiqué sur le site www.wumingfoundation.com.

Poursuivant la tradition du LBP, le livre fut écrit par cinq membres différents dont les noms ont été rendus publics (Roberto Bui, Giovanni Cattabriga, Luca di Meo, Federico Guglielmi et Riccardo Pedrini), mais préférant être appelés Wu Ming 1, 2, 3, 4, 5 (les chiffres étant déterminés par l’ordre alphabétique de leurs noms de famille). Sur le site de Wu Ming, on peut lire:

Le nom du groupe s’entend comme un hommage à la dissidence et au refus du status d’Auteur en tant que star. L’identité des cinq membres de Wu Ming n’est pas tenue secrête, mais nous pensons que nos travaux sont plus importants que nos biographies ou visages individuels.

Wu Ming a produit différents romans de grande ampleur, tous étant le résultat de recherches historiques approfondies. Parmi eux, nous avons déjà mentionné Q70 (1999), une oeuvre non-romanesque prenant place au seizième siècle, et présenté comme un western théologique dont le protagoniste est un espion engagé par le Cardinal Carafa, Asce di Guerra71 (2000), 54 (2002), et d’autres travaux pour lesquels il n’y a qu’une seule signature Wu Ming72. Les romans de Wu Ming sont « open source » et peuvent être téléchargés depuis leur site internet. Wu Ming publie également périodiquement deux newsletters. Giap (2000) et Nandroposa (2001)73, au travers desquelles l’on peut s’informer à propos des nouvelles publications et lire des commentaires variés à propos de différents sujets, écrits par les membres de Wu Ming. Une autre production de Wu Ming est le scénario écrit en collaboration avec Guido Chiesa qui a dirigé Lavorare con lentezza74 (Fandango, 2004). Le film, à la frontière entre le documentaire et la fiction, est centré sur Radio Alice et le mouvement de Bologne durant les années 1970, parcourant l’histoire, les idéaux et les pratiques qui ont inspiré une part majeure du phénomène italien qui inspirera le futur activisme politique. Il suffit de lire le livre Alice è il diavolo75 (1976, reimprimé par Shake en 2002) qui explore l’histoire de la Radio Alice à Bologne et les activités du collectif A/traverso, pour comprendre à quel point les esthétiques et pratiques de tant de mouvements italiens actuels puisent leurs origines dans les années 70, durant une période de radio libre, où la politique était vécue radicalement, une lutte qui se solda pour de nombreuses personnes par de la prison. Ces combats sont aussi représentés dans le film Alice è in Paradiso76 (2002), produit par Fandango à nouveau, et revisitant les aventures d’un véritable collectif de hackers des réseaux de télécommunications, où l’ordinateur est remplacé par la radio. Pour conclure la discussion sur les identitées multiples et les mouvements anti-artistiques, en les unifiant avec ceux des utopies anarchistes des années 70, les évènements de Monte Capanno qui ont eu lieu en 1970 à Umbria seront décrits ici brièvement. Très peu de personnes savent qu’un groupe de 30 étudiants Américains du San Jose State College (Californie) menés par David Zak, un des créateurs officiels de l’identité multiple Monty Cantsin, ont porté un collectif et auto-géré une expérimentation éducative de Janvier à Juin 1970.

Une expérimentation composée d’un programme d’études intense, avec des séminaires organisés par les étudiants eux même et une coordination de David Zack, où iels lisaient des livres, écrivaient, développaient des actions artistiques, et se focalisaient sur des concepts sociaux et des politiques alternatives, dont la documentation a été un temps accessible à l’adresse http://montecapanno1970.com/. Une première tentative d’émergence d’une Communauté d’Apprentissage appelée Monte Capanno, ce qui rappelle pas mal Monty Cantsin


  1. Parmis eux, la maison d’ édition AAA Edizioni de Vittore Baroni et Piermario Ciani, dont l’ activité est décrite dans le paragraphe de ce chapitre consacré au Mail art.

  2. Pour en savoir plus à propos de l’influence de Albrecht Dürer en Italie, consulter le site de la Triennale Europea dell’Incisione à l’adresse http://karaartservers.ch/udine/durer/durer.i.html.

  3. Marco Deseriis, Giuseppe Marano, Net.art, l’arte della connessione, Milan, Shake Edizioni, 2003.

  4. Pour une biographie détaillée et une analyse du travail de Giuseppe Chiari, nous recommandons le paragraphe qui peut être trouvé à l’adresse www.wikiartpedia.org/index.php/Chiari_Giuseppe sur WikiArtPedia La Libera Enciclopedia dell’Arte e le Culture delle Reti Telematiche, idealisé par Tommaso Tozzi.

  5. À propos du processus d’affirmation de la foule urbaine comme un sujet social, cf. Alberto Abruzzese, Lo splendore della TV, Genova, Costa & Nolan, 1995, Geneve, Costa & Nolan, 1995. Dans le travail de Abruzzese, la splendeur des images inhérente au langage télévisuel, commençant avec les premières manifestations de la civilisation urbaine, en se référant au paradigme selon lequel, en partant de la spectacularisation de la place de marché, traversant les non-lieux des premières Expositions Universelles, de la foule urbaine aux premiers voyages en train à vapeur, en touchant aux simulacres fantasmagoriques des cartes postales, des photographies, du monde de la marchandise, de l’univers radiophonique, cinématographique jusqu’aux réseaux de télévision.

  6. En français dans le texte, N.d.T.

  7. En français dans le texte, N.d.T.

  8. Ensemble d’« event cards » comprenant des instruction pour la réalisation des évènements ou éventuellement de pièces, N.d.T.

  9. « Theatre of Futuristic Objects » N.d.T.

  10. « work-events », N.d.T.

  11. Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), poête, philosophe et critique, est considéré comme un des fondateurs du romantisme britannique. Nous avons lu à propos du concept d’intermedia utilisé par Coleridge dans le texte écrit par Dick Higgins Synesthesia and Intersenses: Intermedia, initialement publié en 1965 dans Something Else Newsletter 1, No. 1 (Something Else Press, 1966) et plus récemment sur UbuWeb, un site spécialisé dans l’art d’Avant-garde. Higgins affirm que Coleridge utilisa le terme intermedia en 1812: « Le terme que j’ai choisi, le mot intermedia, apparaît dans les écrits de Samuel Taylor Coleridge en 1812, exactement sous son sens contemporain – pour définir des oeuvres qui tombent conceptuellement entre des media qui sont déjà identifiés comme tels, et j’ai utilisé le terme depuis plusieurs années durant des conférences et des débats, avant que mon petit essai soit rédigé »

  12. Ensemble d’« event cards » comprenant des instruction pour la réalisation des évènements ou éventuellement de pièces, N.d.T.

  13. Recueil d’instructions, N.d.T.

  14. Par la suite, même Ken Friedman, un artiste associé à Fluxus, travailla sur le catalogage des différents fluxévènements, en ajoutant même des happenings posthumes, dont parmi eux les 52 Events. Sa dernière publication est le FluxusPerformanceWorkBook (2002), faisant suite à la précédente édition de 1990; éditée avec Owen Smith et Lauren Sawchyn. Ce e-book, qui peut être téléchargé librement en PDF, contient de nombreuses partitions de fluxévènements et de fluxconcerts, ainsi que des travaux posthumes d’autres artistes qui étaient associés à Fluxus pour leurs convergences avec ce mouvement. L’interprétation de ce mouvement par Ken Friedman joue un rôle important (même si elle est personnelle), et la publication contient des textes auxquels il est normalement dificile d’accéder. Il peut être téléchargé à l’adresse www.thecentreofattention.org/artists/Fluxus.pdf. Plus d’informations sur le travail de Friedman seront trouvés sur le site The Centre of Attention maintenu par Pierre Coinde et Gary Gary O’Dwyer, à l’adresse www.thecentreofattention.org.

  15. En 2005, en Allemagne, un catalogue, Maciunas’ « Learning Machines », From Art History to a Chronology of Fluxus était publié suite à l’exposition qui s’était tenue à la Kunstbibliothek de Berlin, de Octobre 2003 à Janvier 2004 (Schmidt-Burkhardt A. 2005). Il s’agit d’une publication fondamentale pour saisir l’étendue de Fluxus au travers des diagrammes créés par George Maciunas.

  16. Cf. Owen F. Smith, Fluxus. The History of an Attitude, San Diego, 1998.

  17. Front de Gauche pour les Arts, N.d.T.

  18. Diagramme Temps-Espace, N.d.T.

  19. La liste complète des exclus peut être retrouvée dans le diagramme publié par Georges Maciunas en 1966, appelé Fluxus (Ses développements historiques et Relations avec les Mouvements d’Avant-garde) et est publiée dans l’ouvrage de Astrit Schmidt-Burkhardt, Maciunas’ Learning Machines, From Art History to a Chronology of Fluxus, The Gilbert and Lila Silverman Fluxus Collection, Vive Versa Verlag, Berlin, 2005.

  20. Dans le catalogue d’exposition, on peut lire: Maciunas’ Learning Machines, From Art History to a Chronology of Fluxus, qui s’est tenue à Kunstbibliothek de Berlin, organisée par la maison d’édition Milanaise de Gino Di Maggio Multhipla, qui a offert d’organiser la distribution d’une centaine de copies du diagramme.

  21. « mai » signifiant « en aucune circonstance » en italien, N.d.T.

  22. Un terme qui est est fourni par une des plus importantes publications sur le mail art, Eternal Network, A Mail Art Antology, édité par Chuck Welch, University of Calgary Press, 1995.

  23. Réseau éternel, N.d.T.

  24. Équivalents des appels à projets de nos jours, N.d.T.

  25. Piermario Ciani, né en 1951 à Bertiolo (Udine) et est disparu du jour au lendemain le 2 juillet 2006. Comme cela a été posté sur les site des AAA Edizioni, il fut un « étudiant de Luther Blisset à l’École d’Art Psych-géographique de Londres. Il produisit des images utilisant des méthodes manuelles, photochimiques, électrostatiques et numériques. Il publia et montra ses travaux à partir de 1976: tout d’abord des peintures, puis des photographies, des xerographies, du mail art, des installations multimedia et de scollages. Il préfère les media papier mais ses travaux étant souvent immatériels, il sont percus comme se situant aux frontières de la télépathie et des transmissions de données », traduit depuis un extrait de www.aaa-edizioni.it/Ciani.htm

  26. En 1996, Vittorre Baroni et Piermario Ciani ont fondé la maison d’edition AAA Edizioni, fondamentale à la reconstruction de l’idée de réseautage en Italie. Ils offrirent de fascinantes publication à l’univers de la contre-culture internationale, allant du mail art et à la culture Internet, de Fluxus, au Néoïsme, aux situationistes, et à touts les phénomènes iconoclastes et anti-art des dernières décades. Parmis les nombreux travaux publiés par les AAA Edizioni, on retrouve Arte Postale [Art Postal, N.d.T.] (1997), L’arte del timbro [L’Art du Timbre, N.d.T.] (1999), et Artistamps (2000), des textes qui sont des clés de compréhension pour le phénomène du mail art et qui le reconnectent avec bien d’autres pratiques antérieures. L’ouvrage le plus récent de Vittore Baroni est Post-cards, Cartoline d’artista* [Post-cards, Cartes Postales d’Artistes, N.d.T.] (2006), publié par Coniglio Editore, Rome. Le site de AAA Edizioni est www.aaa-edizioni.it

  27. Une intéressante reconstruction du mail art, écrite par Vittore Baroni, se trouve dans le premier numéro de l’e-zine indépendant Ah!, sous la direction de Bruni Capatti (net director) et Attilio Fortini (webmaster). Le magazine en ligne Ah! publia malheureusement seulement deux numéros (Septembre 2000 et Mars 2001), et peuvent être trouvé à l’adresse http://digilander.libero.it/wwwart/AH/. L’introduction éditoriale de la sortie du magazine révèle un esprit simultanément critique et ironique. Un interviewer demandant à Marcel Duchamp, à propos de sa célèbre peinture Nu descendant l’escalier, « si elle représentait une femme ou un homme. Pour moi? Pour toi? Pour obtenir une citation, le Maître dit que il n’y avait jamais pensé. En effet, qu’est ce que cela aurait pu changer… Quelle vérité il y a-t-il en une vérité qui n’est pas apparente? Vouloir réduire une personne, à tout prix, à sa connaissance, est plus un besoin de contrôle que un besoin de compréhension. Le reste a le résultat escompté, mais seulement pour ceux qui se satisfassent de vivre. Nous n’avons rien d’autre à offrir que le désir de…AH! Ne veux tu pas te simplifier les choses? Il suffit juste d’un petit geste de survie… ce n’est rien; précisément peut-être parce que c’est indéniablement nécessaire » . Cité depuis http://digilander.libero.it/wwwart/AH/ah!/AH!html

  28. « Les Débuts du Mail Art », N.d.T.

  29. Chemins Interrompus. Crise de la représentation et iconoclasme dans les arts des années cinquante à la fin du siècle N.d.T.

  30. La table du petit iconoclaste, N.d.T.

  31. Vittore Baroni, tel que cité par le bulletin du mail art Real Corrispondence, en Septembre 1999. Le bulletin, distribué gratuitement par courrier postal (et par la suite par e-mail), fut créé en 1980.

  32. En 2001, Vittore Baroni et Oiermaria Ciano ont lancé le projet F.U.N, Funtastic United Nations, offrant un passage reliant des entités géographiques créatives et imaginatives. Les projets développés ont donné naissance à des rencontres, des projets de collecte individuelle ou collective de timbres dédiés aux personnes et évènements liés aux Funtastic nations et à l’édition de billets produits par les citoyens du F.U.N. et collectés dans le projet Bank of FUN (2003).

  33. Comme Vitorre Baroni me l’a expliqué dans une correspondance personnelle, Real Corrispondence 6, en 1981, était un fragment d’une série de flyers appelés Real Corrispondence. Le schéma fu re-imprimé par Ragged Edge Press en 1990, sur une carte postale intitulée The Evolution of Art, sur laquelle l’image était insérée dans un cadre délimité comme un timbre postal.

  34. Opérateur en réseau, N.d.T.

  35. Networker, N.d.T.

  36. Festival d’Appartement Néoiste, N.d.T.

  37. Cf. l’introduction par Simonetta Fadda dans l’ouvrage de Stewart Home Neoismo e altri scritti. Idee critiche sull’avanguardia contemporanea [Néoisme et autres écrits. Pensées critiques de l’Avant-garde contemporaine, N.d.T.], Genova, Costa & Nolan, 1995.

  38. « pranks », N.d.T.

  39. La définition du néoisme est disponible en ligne à l’adresse https://en.wikipedia.org/wiki/Neoism.

  40. « l’Église du Sous-Génie », N.d.T.

  41. « Ultimate Manifest of Neoism », N.d.T.

  42. Festival d’Appartement, N.d.T.

  43. Qu’est ce qu’un hum, hum, Festival d’Appartement, N.d.T.

  44. Le Projet Appt, une Cause Commune en Pratique, N.d.T.

  45. En français dans le texte, N.d.T.

  46. Web-network, N.d.T.

  47. En français dans le texte, N.d.T.

  48. Cité depuis le livret Centre de recherches Néoistes, 1981.

  49. Plus de lecture à http://www.thing.de/projekte/7:9%23/horobin_index_index.html.

  50. Cité depuis /www.thing.de/projekte/7:9%23/y_Proletarian_Posturing.html, qui publie un essai critique de John Berndt sur le festival du plagiarisme de Londres.

  51. Klaus Maeck est une figure reconnue de la culture post-punk germanique des années 80. Il a organisé un label de musique indépendante et écrit le livre documentant officiellement la vie du groupe Einstürzende Neubauten (Hör mit Schmerzen, 1996). On se rappelle de lui avant tout pour avoir écrit et produit le film Decoder (1984). Le réalisateur et co-scénariste du film fut Muscha (Jürgen Muschalek), un réalisateur de Düsseldorf qui sortit divers films punk en Super-8. Le troisième co-scénariste était Trini Timpop, un musicien Punk de Düsseldorf qui était aussi le batteur principal du fameux groupe Die Toten Hosen. Parmi les nombreuses autres personnes participantes en tant qu’acteurs, on retrouve William S. Burroughs, Genesis P’Orridge, FM Einheit de Einstürzende Neubauten et Alexander Hacker. La publication Decoder Handbuch [le Manuel du Decoder, N.d.T.] (1984), qui accompagnait le film, faisait figurer des écrits de William S. Burroughs et Brion Gysin, Jean Beaudrillard, Genesis P’Orridge, Klaus Maeck entre autres.

  52. Un rapport du festival, écrit à Tozzi en 1991 par le collectif Decoder Decoder on tour – Festival on Plagiarism – Glasgow 4-11 August 1989, p.203, cité dans Decoder, 5, 1990, Milano.

  53. Internationale situationiste, 1, 1958

  54. Guy Debord et Asger Jorn en particulier ont appliqué le concept de psycho-géographie à la pratique du détournement, en réalisant notamment l’ouvrage Fin de Copenhague en 1957, une publication dont fut imprimée 200 exemplaires, faite de collages d’articles et d’illustrations découpés dans les quotidiens de Copenhague, et de dripping par Asger Jorn, reformulant la représentation visuelle de la vie urbaine, en la transformant en une carte émotionnelle. Une description importante de la collaboration entre Guy Debord et Asger Jorn peut être trouvée dans l’ouvrage en anglais par Christian Nolle, Books of Warfare: The Collaboration between Guy Debord & Asger Jorn from 1957-1959, publié par Vector http://virose.pt/vector/b_13/nolle.html.

  55. Debord, 1958

  56. « condividualità » dans le texte italien de Tatiana Bazzichelli, N.d.T.

  57. Ces considérations sur les trois identités collectives sont le fruit d’un échange de mails avec Florian Cramer, actif dans le cercle néoiste, ainsi que dans les expériences postérieures de Luther Blissett avec l’art logiciel.

  58. Tel que Roberto Bui l’a affirmé dans une conversation privée avec Florian Cramer

  59. Pillard, N.d.T.

  60. Bonheur, N.d.T.

  61. Diffuseur, N.d.T.

  62. L’Italie, N.d.T.

  63. Qui l’a vu•e?, émission de télévision diffusée sur la Raï, équivalent italien au Perdu de Vue* français, N.d.T.

  64. le Manifeste des Nouvelles Libertés, N.d.T.

  65. Radio Ville du Futur, N.d.T.

  66. Tel que décrit sur http://www.lutherblissett.net/archive/228_it.html.

  67. Extrait de The Night Luther Blissett Hijacked a Bus in Rome [La Nuit où Luther Blissett Détourna un Bus à Rome en français, N.d.T.], disponible sur https://tinyurl.com/ybrhyh6s, Juillet 2007.

  68. Sur le site de la Wu Ming Foundation, il est également dit que le canular était même révélé dans le quotidien la Repubblica, dans un article reconstruisant l’affaire en détails. L’article, La beffa firmata Luther Blissett, écrit par Loredana Lipperini, peut être consulté en ligne à l’adresse http://www.repubblica.it/online/sessi_stili/blissett/blissett/blissett.html.

  69. Pour en apprendre plus sur Seppuku, le suicide collectif de Luther Blissett, lire http://www.lutherblissett.net/#%20indexes/thematic_it.html#seppuku.

  70. L’Œil de Carafa, N.d.T.

  71. Les Haches de la Guerre, N.d.T.

  72. La liste complète des ouvrages peut être trouvée à l’adresse https://www.wumingfoundation.com/italiano/downloads.shtml

  73. Se trouvant respectivement aux adresses www.wumingfoundation.com/english/giap/giapissues.html et www.wumingfoundation.com/italiano/nandro_sezione.html

  74. Working slowly, N.d.T. Voir www.lavorareconlentezza.com

  75. Alice est le Diable, N.d.T.

  76. Alice au Paradis, N.d.T.